Federação Angolana de Rugby Union

Lors de mon premier voyage en Angola, dès octobre 2014, j'ai pu mesurer l'énorme potentiel dont disposait mon pays natal, la Terre de mes Ancêtres, pour devenir une grande nation de rugby. Sa jeunesse, magique et inventive, n'attend que ce sport pour intégrer une autre dimension de la Vie.

Je n'ai eu aucun mal à rassembler une cinquantaine de jeunes gens issus des quartiers pauvres, de 5 à 20 ans, afin de faire 3 groupes distincts que j'ai pu initier aux rudiments du Rugby, en l'épiçant avec le haka des All Blacks, ce passeport international.

Mais, très vite, de nombreuses difficultés se sont posées. Je pense notamment au fait de gérer tout ce beau monde à deux ; et oui, deux, car j'ai heureusement fait la connaissance d’Héritier, un ancien joueur de Kinshasa, expatrié à Luanda. Je pense au manque de matériels sportifs (seulement 3 ballons), d'infrastructures (nous jouions sur un grand terrain vague) et de ravitaillement en eau pour les enfants s'entraînant sous le soleil tapant (point d'éclairage pour envisager de s’entraîner quand le soleil se mourrait au couchant). Certes, l’un ou l'autre tonton s’était arrêté, intrigué, au bord du terrain vague et avait accepté d'acheter quelques bouteilles d'eau et de nous les offrir, admiratif de notre travail. C'était des bons débuts et nous les en remercions.

Malgré ces difficultés que j’ai rencontrées jusqu’ici, je me dis que cela vaut la peine de se consacrer à cette partie du monde. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Le rugby, et le sport en général, peut apporter énormément aux quartiers défavorisés où il y a encore quelques années l’eau était plus chère que le pétrole.

Au regard de son histoire récente, dynamique s’il en est (taux de croissance en 2007 : 24,4%), l'Angola et sa jeunesse sont disposés au rugby ou peut-être est-ce le rugby qui est prédestiné à la jeunesse angolaise. Par le potentiel de violence en lui contenue, ce sport — qui est avant tout une discipline — invite nécessairement à une prise de conscience, émotionnelle et cognitive. Qu'ai-je le droit de faire ou de ne pas faire, que puis-je faire pour canaliser, contourner, ou catalyser le lion en mon cœur contenu ?

Ainsi, j'ai énormément axé mon travail sur le potentiel agressif en m'inspirant de mon parcours personnel, ponctué par des épisodes de violence belliciste. Je suis devenu un bagarreur pour être né en redresseur de tort, gardien de la justice et des Justes.

Plus qu’une école d’éducation civique, de respect de son propre corps et de l’intégrité d’autrui, c’est une école de la Vie en mouvement dans la joie et la légèreté.

Par ailleurs, à l’occasion des Jeux olympiques d'été de 2016 à Rio de Janeiro au Brésil (un autre pays lusophone), le monde a pu voir l’intronisation du Rugby à sept comme sport olympique et admirer le sacre des Fidjiens volants.

Cet événement a été une vitrine exceptionnelle. Le Seven n’a pas manqué de faire des vagues ou laisser des courants d’air dans la tête des enfants rêveurs. Assurément, cette variante, dans sa simplicité et ses aspects festives sait séduire son monde et attirer beaucoup de personnes dans l’univers rugbystique.

Les Fidjiens justement, qui en sont les patrons, de par leur style de jeu si caractéristique, où se mêle l’explosivité, le fantasque et une volonté native d’exploiter le désordre, notamment sur les phases de contre. D’où une palette de jeu très fournie, redoutable et impitoyable face à une défense désorganisée. Croyants, créatifs, génétiquement en place, ancrés à la terre, dotés d’un formidable esprit d’initiative, ils savent exploiter les moindres failles, les plus petits espaces pour en faire de la magie.

C’est ça les Fidji ! C’est aussi ça l’Afrique ! Comme les Africains, les Fidjiens ont longtemps été catalogués de dilettantes, rechignant à l’effort et incapables d’intégrer des schémas collectifs, ici de jeu, là d’économie ou de politique. Mais comme les Fidjiens, les Africains et l’Angola dans la foulée, montreront qu’ils peuvent s’organiser et perdurer dans la rigueur que requiert la constance. Les Fidjiens sont des Africains, nés dans les îles Fidji.

Je suis persuadé que le rugby contribuera à l'épanouissement de notre jeunesse dans un monde inédit, qui connaît une mutation profonde dont les deux traits les plus marquants sont la vitesse et le chaos. Or, n'avons-nous pas affaire à une discipline où le triomphe, la gloire reviennent à celui qui sait calibrer au mieux la bonne allure à une économie de jeu modulé par la désorganisation ?


Désormais, lors de mes séjours dans les quartiers les plus défavorisés, j'invite les papas et les mamans à m'emmener les petits et les grands pour qu'ensemble nous leur offrions des possibles et des chances car c'est leur droit que d'être heureux et épanouis.

Seul, je n'y arriverai pas. C'est clair. Voilà pourquoi j'espère qu'à travers ma présence sur ce réseau de retrouvailles, de rencontre et de partage, je pourrais trouver des personnes avec la même sensibilité que moi et œuvrer ensemble pour la bonne cause. Qui sait, je pourrais peut-être même entrer en contact avec des émissaires de Rugby Africa. Je sais qu'ils font un énorme boulot avec le programme de World Rugby (Get into Rugby) et j'espère que mon parcours de moniteur Jeunesse et Sport, Joueur de LNA et Arbitre de la Fédération Suisse de Rugby pourra faire de moi un de leur interlocuteur.

Enfin, je remercie tous ceux qui ont pris le temps de me lire jusqu’à la fin et ceux qui ont manifesté leur soutien à mon œuvre sociale et politique en mettant un j’aime. N’hésitez pas à partager ma page et à en parler autour de vous comme d’un levier politique alternative dans un monde de plus en plus illisible. À tous les donateurs et souteneurs, dont ceux de Rugby4Angola, l'organisation apolitique et à but non lucrative qui aide ponctuellement notre fédération, au nom de la FARU, je vous remercie infiniment !