Pompier, rêve interdit.

Dessenheim,
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Chapitre 1 de "Pompier, rêve interdit."


Notre vie se joue comme une pièce de théâtre, dont le scénario nous a été offert à notre naissance. Nous en découvrons de nouveaux rebondissements chaque jour. Tantôt tristes ou tantôt gais, ces rebondissements nous surprennent souvent. La scène que je vis actuellement, après 26 ans de représentation, en est sans doute le dernier acte, puisque moi Stéphane Ackermann, grand gaillard de 1m80, d'allure élancée, aux cheveux châtains et aux yeux bleus irisés de vert, je suis en train de mourir.



Je sens mon corps se vider de toute son énergie, chaque bouffée d'air que j'arrive à aspirer est un combat contre l'asphyxie, et je ne suis pas sûr qu'il y en ait une prochaine ! Allongé par terre, le corps en miettes, moi qui suis athée, je prie tout les dieux du monde pour que l'on me vienne en aide. Je me bats pour rester conscient par peur de ne plus jamais rouvrir mes yeux. Je pense à ceux que j'aime, je suis terrorisé à l'idée de les abandonner, je ne veux pas leur faire subir ma perte.



Je pense aux rencontres de ma vie qui m'ont laissées tant de beaux souvenirs. Étonnamment je pense même à ma famille alors que je suis en froid avec eux depuis des années. La douce chaleur des souvenirs de mon enfance remonte en moi...



Je me souviens de la grande maison en pierre de mon grand-père maternel. Elle se situait en plein milieu de son vignoble, depuis la route une longue allée de gravier blanc bordée de cyprès y menait. Grand-père vinifiait un des meilleurs vins de la région. Avec mes parents et mon petit frère David, mon cadet de trois ans, nous avions vécus là-bas quasiment depuis ma naissance.



Rien qu'en repensant à ce domaine, j'oublie ma douleur présente et je m'enfonce encore plus profondément dans mes souvenirs. Peut-être suis-je en train de lâcher le dernier fil qui me retient à la vie, mais je suis si bien dans mon passé que je ne veux plus en sortir...



En songe je me retrouve dans l'immense grenier qui dominait la maison de grand-père. Enfant, avec David, nous y avions passés des heures à rechercher le trésor perdu d'un de nos ancêtres contrebandiers, que bien sûr nous avions inventé de A à Z. Pour nous faire rêver encore plus, grand-père, de son prénom Alexandre, avait un jour réellement dissimulé dans un coin sombre du grenier, une grande valise en cuir abîmé par le temps. Elle contenait une petite caissette en bois remplie de louis d'or en chocolat...



En montant au deuxième et dernier étage de la maison, à gauche du magnifique escalier en bois sculpté de moulures fines, se trouvait juste à côté de celle de grand-père, ma chambre tout de vert peinte. Celle de mes parents se situait de l'autre côté de l'escalier. David lui logeait au rez de chaussée dans une chambre tellement grande que malgré le bureau, l'imposante armoire, son lit et ses coffres à jouets il n'y avait pas assez de meubles pour la combler.



Derrière la maison se dressait le bâtiment que je préférais... les écuries. Elles protégeaient des intempéries mon prince noir, un magnifique étalon auprès duquel tous les jours, je passais des heures à le monter, à le laver et à le brosser sans que cela ne soit jamais une corvée à mes yeux. Ce cheval m'avait été offert par mon grand-père à l'occasion de mes douze ans. J'adorais cet homme, il était d'une grande générosité et intelligence. On ne se voyait pas souvent, vu qu'il travaillait beaucoup pour que son domaine reste le meilleur du marché, mais dès qu'il avait un moment de libre nous le passions ensemble. La plupart du temps nous ne faisions que parler, c'était tellement intéressant ce qu'il racontait. Grand-père avait eu une vie très riche en émotions et en diverses expériences. Enfant il fut élevé par des parents très stricts. Durant la guerre, tout juste adulte il dû fuir les allemands pour ensuite les combattre durement pendant des années. De retour du combat il a rencontré Louise, la future mère de sa fille unique. Ils sont restés ensembles et amoureux jusqu'au décès de ma grand-mère maternel. Pour Alexandre j'étais ce fils qu'il n'avait jamais eu, puisque son seul enfant fut ma mère. Pour moi il était un père doux et attentionné, tout le contraire du mien qui lui était d'une sévérité et d'une froideur incompatible avec l'image d'un père aimant. Grand-père avait pris père sous son aile pour le former au métier de viticulteur, vu que lui envisageait une retraite bien méritée. Je voyais peu mon père, et quand enfin tard le soir il rentrait à la maison, il était toujours si fatigué que son humeur en était massacrante. Pour nous, ses enfants, il était dans notre intérêt de ne surtout pas le déranger, sinon une énième punition ou correction nous pendait au bout du nez. Et croyez-moi vu les pognes de boxeur qu’il avait, je préférais en éviter le contact. D’ailleurs chez mon père il n’y avait pas que ses mains qui faisaient peur ! Physiquement il était grand et surtout très baraqué. Son visage rond, dont la pâleur tranchait sévèrement avec le noir de ses cheveux, n’avait rien de sympathique. Même son sourire était sadique, il ne le sortait que pour se moquer du monde. Pour être sûr de ne pas croiser son chemin quand il était à la maison, David et moi, nous restions enfermés dans nos chambres en respectant le plus grand des silences. Nous n'en sortions qu'à l'heure du dîner, où nous n'avions là aussi pas intérêt d'arriver en retard, sous peine de remonter directement nous coucher l'estomac vide, et la joue chauffée par la main de mon père.


Par crainte de lui et de ses colères légendaires, ma mère était totalement soumise à ses moindres désirs. Sous prétexte que c'est mon père qui ramenait le salaire au foyer, il n'accordait pas le droit à la parole à sa femme. Pourtant quant on y regarde de plus près cette situation était absurde, puisque tout ce que mon père possédait il le devait à ma mère. En effet le domaine qu'il codirigeait avec Alexandre devait un jour, dans sa totalité, revenir en héritage à ma mère. Mon cher paternel lui, était simplement issu d'une famille allemande très modeste... il avait fait ce que l'on appelle « un bon mariage ».


Mes parents, comme tout bon bourgeois qui se respecte, attachaient trop d'importance aux apparences. C'est pour cela qu'en dehors de la maison, ils jouaient le couple parfait et mon père lui était aux yeux de tous LE bon père de famille et Le bon mari … Si seulement les gens avaient su la réalité de notre quotidien placé sous le joug de ce dictateur !


En ce temps-là, mon avenir était tout tracé. Puisqu'étant issu d’une famille dont la tradition voulait que ce soit l'ainé des enfants qui hérite de la charge familiale, je devrais un jour prendre la succession de mon père. Ce qui fait que jamais je n'avais eu besoin de me demander ce que je ferais plus tard comme métier... j'étais un bon mouton dont mon père était le berger intransigeant.

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